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Comment peut-on éviter la récidive des calculs urinaires ?

La réponse de Olivier Traxer, responsable du comité lithiase de l'Association française d'urologie (Hôpital Tenon Paris XXe - Université Pierre et Marie Curie Paris-VI).

Les caractéristiques épidémiologiques des calculs urinaires sont en perpétuelle évolution et traduisent les modifications des habitudes alimentaires, des conditions sanitaires (infections urinaires), des facteurs d'environnement (climat chaud) ou de la prévalence des pathologies qui prédisposent au risque de calculs comme le diabète ou l'obésité. En France, les calculs urinaires atteignent au moins 10% de la population, avec une nette prévalence masculine (environ deux hommes pour une femme). Ils touchent essentiellement la population de 40 à 50 ans et sont beaucoup plus rares chez l'enfant. Les calculs urinaires sont responsables d'environ 100.000 coliques néphrétiques annuelles (douleurs violentes), traitées par 50.000 lithotripsies et 38.000 urétéroscopies.

En l'absence de mesures de prévention, la récidive d'un calcul urinaire est quasi inéluctable. On estime que le risque de récidive est de 30 à 40% à cinq ans et de 50 à 70% à dix ans. Cette récidive surviendra plus facilement si la maladie a commencé chez un sujet jeune (avant 30-40 ans). Les facteurs de risque sont essentiellement liés à notre diététique qui est aujourd'hui trop riche en protéines, sel, sucres, graisses, sodas et trop pauvre en fruits, légumes et produits laitiers.

Depuis vingt ans, les concepts du traitement médical et de la prévention de la lithiase rénale se sont considérablement modifiés. Ils reposent sur une enquête étiologique (recherche des causes) indispensable pour chaque patient lithiasique. Elle comprend l'analyse du calcul urinaire s'il a été récupéré, un bilan sanguin et urinaire et une enquête diététique.

La nature des calculs en France s'est complètement modifiée depuis cent ans avec aujourd'hui une prédominance de la lithiase oxalo-calcique. Ce sont les modifications des habitudes alimentaires qui expliquent ces changements de nature des calculs. L'enquête diététique représente donc un moment important pour la mise en place des règles hygiéno-diététiques qui permettront, si elles sont suivies par le patient, de prévenir les récidives. Dans la majorité des cas, il ne s'agit pas d'un régime alimentaire, au sens restrictif du terme, mais d'un réajustement des habitudes alimentaires. La prescription d'un traitement médicamenteux est rare et sera discutée après que les règles diététiques soient respectées par le patient. En aucun cas, un traitement médicamenteux ne peut remplacer les efforts à faire sur les habitudes alimentaires.

L'enquête alimentaire doit renseigner sur les habitudes du patient présentes plusieurs mois et années avant la découverte des calculs. Les excès alimentaires et plus encore le défaut de boisson constituent les facteurs principaux des calculs urinaires. En fonction des résultats de cette enquête, les règles diététiques suivantes seront alors discutées et adaptées à chaque patient.

Les boissons
L'absorption de boissons abondantes de manière à diluer les urines et de les amener au-dessous du seuil de cristallisation des sels calciques est un principe fondamental de la prévention des récidives des calculs urinaires. Il n'est pas toujours facile pour les patients de savoir quelle eau de boisson ils peuvent absorber. Il faut alors informer les patients sur les différences entre l'eau de distribution publique («eau du robinet»), les eaux minérales et les eaux de source. Mais le message essentiel reste la quantité de boissons qui doit approcher 2 litres afin d'assurer une diurèse (volume des urines quotidiennes) d'environ 2 litres. Lorsque ce volume urinaire est atteint, le risque de cristallisation des urines est très fortement diminué, voire inexistant: on parle de dilution des urines. Autant que possible il faut essayer d'assurer une prise régulière des boissons sur toute la journée en privilégiant l'eau, seule boisson indispensable! Un verre de jus d'orange de 150-200 ml (pas plus en raison du sucre) est également régulièrement conseillé pour ces effets protecteurs sur la lithiase d'oxalate de calcium. La bière et les colas sont déconseillés.
Le calcium
Les produits laitiers sont indispensables pour une diététique normale et équilibrée. Dans le cadre des calculs urinaires, ils restent indispensables et il ne faut surtout pas les supprimer comme cela a été recommandé par le passé. Il s'agissait d'une grave erreur. Les apports doivent donc être maintenus entre 2 et 3 produits laitiers par jour, en considérant qu'un yogourt, un morceau de fromage de 30 g ou un verre de lait (120 ml) représente un produit laitier chacun. La recommandation est donc de prendre un produit laitier par repas.
Le sel alimentaire
Il existe une relation directe entre la survenue de calcul urinaire et la consommation de sel alimentaire. De nos jours, les Français consomment trop de sel, environ 10 grammes par jour et par habitant alors que cette consommation ne devrait pas dépasser 6 g/jour. Le combat contre le sel alimentaire est difficile car notre alimentation de type occidental est très riche en sel. Il n'est pas recommandé de «manger sans sel» mais il faut saler le minimum (pour la cuisson), éviter les aliments très salés (soupes et cuisine industrielles, charcuterie, moutarde…) et surtout éliminer les salières de la table! Les patients doivent se «réhabituer» à manger «peu salé».
Les protéines animales
Comme pour le sel, les protéines animales (viandes blanches et rouges, poissons, œufs, charcuterie) favorisent la survenue de calculs urinaires si elles sont consommées en excès. On parle d'excès lorsque les protéines animales sont présentes à plus d'un repas par jour. En clair si un patient a consommé de la viande, du poisson ou des œufs au repas de midi, pour son dîner, il ne devrait pas consommer à nouveau ces aliments ou les remplacer par de la charcuterie. En termes de protéines animales, le poisson est aussi délétère que la viande, en termes de graisses le poisson est meilleur! Il est également recommandé d'éviter les sucreries et la consommation régulière d'alcool. Enfin, certains aliments très riches en oxalate (composé d'origine végétale qui s'associe au calcium dans les urines pour former les calculs d'oxalate de calcium) doivent être évités ou au moins très fortement limités. Il s'agit en tout premier lieu du chocolat et plus encore le chocolat noir (l'oxalate est contenu dans le cacao). La consommation régulière et de façon trop abondante de chocolat est donc fortement déconseillée (1 à 2 carrés par jour reste acceptable). Il en est de même pour le thé (principalement le thé vert), le poivre, les colas, les noix et noisettes, les cacahuètes, le brocoli, les épinards, l'oseille, la rhubarbe. En conclusion, la mise en évidence des facteurs de risques de la lithiase rénale permet désormais d'instaurer les mesures de «réajustement diététique». Il ne s'agit pas à probablement parler d'un «régime» mais plutôt d'une rééquilibration, d'un réapprentissage des bonnes règles diététiques. Cette enquête et les mesures qui en découlent devraient être proposées systématiquement à tout patient ayant présenté ou présentant des calculs urinaires. Elles sont essentielles, indispensables et simples à mettre en œuvre pour lutter contre la récidive des calculs urinaires.
sante lefigaro